mardi 23 juillet 2013

1989

Le compartiment est raccord avec l'image que l'on se fait d'un train "de l'Est", mais il s'égaye un peu alors qu'il commence à faire beau lorsqu'on s'approche de Berlin. En ce mois de septembre 1981, je reviens avec F. d'un court voyage en Pologne, à l'heure où Jaruzelski prépare sa reprise en main du pays, la clé à mollette de l'URSS toujours prête à resserrer les boulons. Pour nous, Berlin-Est n'est qu'une étape obligée, l'endroit où, à l'arrivée à la gare en cul-de-sac, nous pourrons prendre la sortie réservée aux étrangers en transit et aux heureux possesseurs de visa, direction Berlin-Ouest. Pour les jeunes assis en face de nous, Berlin-Est c'est le terminus, l'endroit où ils se rendent pour travailler en venant de leur grande banlieue, et la sortie qu'ils devront prendre ce sera l'autre. Au gré d'une conversation minimale, il flotte dans l'air un sentiment de fatalisme éternel, l'évidence qu'il en sera ainsi pour toujours, que jamais — ou peut-être à de rares exceptions — ils ne pourront aller de l'autre côté, avec chez nous, inavoué, le confort un peu lâche de penser que c'est bien triste mais que c'est comme ça et qu'on n'en pourra rien changer. Et du mur qui tombe en 1989, ce que l'on  retiendra sera autant le regret un peu honteux d'avoir pu le croire indestructible que la joie de le voir tomber.

2 commentaires:

  1. J'ajouterais qu'une chose m'avait attristée lors de la chute du mur , c'est que notre ami Daniel Anselme , créateur des Cahiers de Mai, qui avait tant fait dans ces années là pour nous aider à décrypter le monde , fut mort avant. Qu'il n'ait pas vu la chute du mur... Comme disait Camus je crois( rétablir si je me trompe!...... "le plus triste ce n'est pas que l'on meurt, c'est qu'on meurt floué!"

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