vendredi 4 septembre 2009

n&b (3)

Paris, juillet 2008
(rassemblement devant le Conseil d'Etat contre la demande d'expulsion de Marina Petrella)

Il y a deux sortes de noir et blanc, celui offert et rendu tel par la photo couleur qui en atteste, et celui qui résulte de la transformation par la prise de vue d'une réalité a priori colorée. Dans "L'état des choses" de Wim Wenders, film dont la trame est précisément la difficulté à laquelle un réalisateur se heurte, auprès de son producteur, de pouvoir tourner son film en noir et blanc, Samuel Fuller a cette phrase : "La vie est en couleurs, mais le noir et blanc est plus réaliste". On pourrait ajouter que, si la vie n'est que rarement noire ou blanche, on tend, lorsqu'elle l'est à l'état naturel, à attacher une valeur particulière à cet "état des choses", souvent de symbole et d'idéalisation.
On peut dire ainsi qu'il y a deux grandes acceptions du noir et blanc. Dans l'une, gommer la couleur nous force à voir différemment la réalité, par une forme d'égalisation, et donc à la voir "plus" en ce sens. Dans l'autre (le noir et blanc de la vie), c'est sa singularité même qui le distingue, renforçant son exception du fait qu'il est invariant de l'une ou l'autre des situations (voir ainsi la façon étonnante dont la deuxième chaîne de télévision a mis en scène son passage en temps réel du noir et blanc à la couleur en 1967 (archive vidéo ici), en s'amusant du fait que les officiels présents avaient pris soin de s'habiller de cravates et costumes noirs sur chemises blanches...).

jeudi 3 septembre 2009

Closing down

Cardiff, le 1er septembre

mardi 1 septembre 2009

Paysages intermédiaires (2)

Lausanne, mars 2009

En exergue de son récent "Equatoria", Patrick Deville cite Céline qui a écrit un jour : "C'est cela l'exil, l'étranger, cette inexorable observation de l'existence telle qu'elle est vraiment pendant ces longues heures lucides, exceptionnelles dans la trame du temps humain, où les habitudes du pays précédent vous abandonnent, sans que les autres, les nouvelles, vous aient encore suffisamment abruti." On tombe sur cette phrase, et on se dit que c'est tout à fait ça (au terme "abruti" près peut-être, qui se discute...) : l'étranger davantage comme un entre-deux que comme un ailleurs, à la fois une absence et l'identification à un "méta-point de vue", extérieur par essence à l'avant autant qu'à l'après, à ce que l'on quitte autant qu'à ce que l'on va trouver.

lundi 31 août 2009

Cardiff

30 août

Dimanche entre crachin et éclaircies.
La ville reste encore déserte jusque tard dans la matinée mais les activités s'avèrent soutenues l'après-midi du côté de Cardiff Bay. Outre des démonstrations de chiens-sauveteurs en mer, des constructions semi-professionnelles de châteaux de sable grand format et un "Cheese festival" cosmopolite, l'esplanade devant le Wales Millenium Centre accueille les "British fish craft championships", concours de poissonniers pour débiter dans les règles de l'art des morues imposantes en 5 mn top chrono, devant un public nourri installé serré sur des gradins étagés et sous les yeux attentifs d'une belle poissonnière.
Retour au centre-ville à l'animation éparse et au léger parfum de désœuvrement.

Photos que l'on aurait pu prendre (1)

A l'occasion d'une conférence devant des étudiants de l'Université Lyon 2 à Bron, Bernard Plossu avait raconté un jour comment, en venant en voiture accompagné par son hôte, il avait "vu" sur le trajet une photo qu'il n'aura jamais prise car il n'avait pas son appareil avec lui (ou n'avait pas de pellicule chargée, je ne sais plus).
Dans "Les 36 photos que je croyais avoir prises à Séville", Dominique Noguez commence chaque (court) chapitre par l'image d'un cadre noir et vide. C'est celui d'une photo qui n'a jamais été prise non plus (film mal enclenché) et qu'il nous raconte, le roman se construisant comme la lecture planche après planche d'une pellicule imaginaire.
Sans que son livre s'y réduise, Pierre Péju avait déjà été utilisé le même ressort dans un chapitre de "Vitesses pour traverser les jours" et, d'une certaine manière, Régine Detambel construit aussi son "Album" comme une description de photos qu'il nous appartient d'imaginer.

Ces photos que l'on aurait pu prendre, on en a tous fait l'expérience un jour et on en garde certaines plus que d'autres dans un coin de la mémoire. Je me souviens ainsi d'une situation dont je ne sais pas si j'aurais aimé ou osé en faire une photo, mais dont la vision en avait tous les attributs. C'était à New York en 1981. Quelque part dans une rue animée du côté de Time Square, une très vieille dame très fardée et habillée de façon excentrique (l'image même de l'ancienne artiste ayant eu son heure de succès et vivant, jusque dans ses fourrures, ses étoles et ses frou-frous, dans un temps arrêté) se remaquillait avec application dans la vitrine d'une banque, redessinant sa bouche d'un rouge éclatant en profitant de la lumière indirecte si particulière que donnent à ces rues encaissées les réflexions du soleil sur les vitres innombrables des gratte-ciels voisins. Rouge à lèvres chargé, fond de teint très rose et fard à paupières sans doute bleu ou vert, mais un beau noir et blanc aurait très bien fait l'affaire.

(en guise de substitution, on se contentera de cette photo prise à Madison (WI) en août 2007.)

dimanche 30 août 2009

M comme...

Lyon, quai Pierre Scize (1984)

Lyon, Institut Lumière (2009)

1984 : M comme MH, comme Mitchum (Robert) et comme Mairie du 5ème (le 30 août, il y a 25 ans exactement).

2009 : M comme encore MH, comme Medeiros (Maria de) et, toujours, comme…

Paysages intermédiaires (1)

Crewe, le 29 août

entre Crewe et Cardiff, le 29 août

Un peu plus de six heures de train colorées pour aller de Glasgow à Cardiff, ciels changeants sur prairies vert petits pois et gares tout sauf grises. A l'arrivée, le vent frais qui souffle sur la ville ne semble dissuasif ni pour le jeune anglais qui vaque en T-shirt, ni pour la jeune anglaise qui porte la jupe très courte. A dix-neuf heures, tout est fermé dans le centre piéton aux enseignes interchangeables. Préparations de soirées dans les pubs des rues adjacentes, éclats de voix lorsqu'on passe devant une porte ouverte, grappes bruyantes autour des distributeurs de billets. Des cheveux aux talons (hauts), l'orange flashy le dispute au rose fluorescent, petites taches visibles de loin, égayant ponctuellement les artères marchandes qu'a maintenant désertées la foule compacte des familles de l'après-midi.