samedi 5 mai 2012

Photos que l'on aurait pu prendre (22)


Sous sa forme papier, l'article en page XII du "Mag" de Libération d'aujourd'hui se présente comme un bloc de caractères ordinaire. Un peu moins de trente lignes précédées d'une image (version en noir et blanc d'une illustration couleur accessible sur internet) représentant un drôle de prototype d'appareil "photographique" d'un nouveau genre : une petite boîte transparente dans laquelle courent quelques fils, trois voyants et un bouton sur le dessus, et surtout une bande de papier imprimée qui s'en échappe à la manière d'un reçu de distributeur bancaire. Le texte donne l'explication de ce mystère, que l'on trouvera aussi dans le lien indiqué sous la signature "M. Le.", renvoyant également à un projet qui, quoique de nature différente, partage avec lui un peu de son étrangeté.

vendredi 4 mai 2012

Cafés (25)

Al Bottegon,
Venise, juin 2003

jeudi 3 mai 2012

Cafés (24)

Anzolo Raffaelle,
Venise, juin 2003

Calle Lunga San Barnaba,
    Au-delà de la place,
La rumeur du Canal s’efface,
    Ne restent que mes pas.

Je compte les années qui passent
    Sur les pavés mouillés,
Des échos démultipliés
    Me suivent à la trace.

A l’Anzolo Raffaelle,
    Les clients sont des chats,
Les volets de la trattoria
    N’ouvriront qu’à l’été.

mercredi 2 mai 2012

Amis de la poésie, bon appétit !


Versifier les recettes ne date pas d'hier. On se souvient (ici ou ) du Ragueneau de Cyrano de Bergerac (Acte II, Scène 4), et de sa recette des "tartelettes amandines" :

"Comment on fait les tartelettes amandines.
Battez, pour qu'ils soient mousseux,
Quelques œufs ;
Incorporez à leur mousse
Un jus de cédrat choisi ;
Versez-y
Un bon lait d'amande douce ;
Mettez de la pâte à flan
Dans le flanc
De moules à tartelette ;
D'un doigt preste, abricotez
Les côtés ;
Versez goutte à gouttelette
Votre mousse en ces puits, puis
Que ces puits
Passent au four, et, blondines,
Sortant en gais troupelets,
Ce sont les
Tartelettes amandines !
"

C'était en 1897 et, à peine trois ans plus tard, un certain Achille Ozanne publie ses Poésies gourmandes,  mélange de recettes et d'envolées souvent naïves, parfois coquines. Ainsi de l'Epilogue du "Homard à l'américaine" :

"Car plus d'une beauté rigide
Au tête-à-tête familier,
Succombe, après ce plat perfide,
En cabinet particulier !
"

Trois ans encore et on trouve un exemple en catalan sous la plume d'un(e ?) F. Combes, et sans doute bien d'autres si l'on cherche mieux.

Plus près de nous, c'est Peau d'Ane qui, dans le film de Jacques Demy, chante la recette du "Cake d'amour" :

"Préparez votre, préparez votre pâte
Dans une jatte, dans une jatte plate
Et sans plus de discours
Allumez votre, allumez votre four
Prenez de la, prenez de la farine
Versez dans la, versez dans la terrine
Quatre mains bien pesées
Autour d'un puits creux, autour d'un puits creusé
Choisissez quatre, choisissez quatre oeufs frais
Qu'ils soient du ma, qu'ils soient du matin faits
Car à plus de vingt jours
Un poussin sort tou, un poussin sort toujours
Un bol entier, un bol entier de lait
Bien crémeux s'il, bien crémeux s'il vous plaît
De sucre parsemez
Et vous amalga, et vous amalgamez
Une main de, une main de beurre fin
Un souffle de, un souffle de levain
Une larme de miel
Et un soupçon de, et un soupçon de sel
Il est temps à, il est temps à présent
Tandis que vous, tandis que vous brassez
De glisser un présent
Pour votre fian, pour votre fiancé
Un souhait d'a, un souhait d'amour s'impose
Tandis que la, que la pâte repose
Lissez le plat de beurre
Et laissez cuire une, et laissez cuire une heure...
"

Et puis, inénarrable et prolifique (192 recettes en alexandrins !), c'est Emilie Bernard qui naguère, de carte postale en carte postale, porta haut les couleurs du genre. Aujourd'hui (retour de Marseille), une sélection méridionale…





mardi 1 mai 2012

lundi 30 avril 2012

Made in France

Son allure pouvait avoir quelque chose de déconcertant. Deux phares comme deux gros yeux entre lesquels plongeait un capot au creux profond dont l'avant dessinait une ligne de sourcils froncés (une tête de dessin animé, finalement), des roues grêles sur lesquelles elle était haut perchée, et puis surtout une lunette arrière à l'inclinaison inversée, particularité que, de toute l'histoire de l'automobile, elle n'aura me semble-t-il partagé qu'avec la Ford Anglia. L'Ami 6 était reconnaissable entre toutes. Un zeste d'originalité mais rien d'ostentatoire, un mi-chemin grand écart entre la 2CV et la DS, une silhouette de figurante anonyme, rurale autant qu'urbaine, qui devint vite familière, se glissant avec naturel dans le décor des années 60. Presque une allégorie de la France classe moyenne des trente glorieuses.
Tout au long de celles-ci, mes parents firent beaucoup de kilomètres. Ni exotisme ni voyages lointains, mais une exploration méthodique de l'hexagone, région après région, département après département, comme s'il s'agissait de cocher dans un grand cahier la liste de ce qu'il ne restait plus à voir. Mon père préparait ses excursions avec des itinéraires précis, des guides cochés et annotés. Sur place, il prenait des photos de monuments, de places, d'églises, … des diapos qu'il rangeait ensuite dans des boîtes en plastique cubiques de couleur rouge orangé, à couvercle translucide, qui s'alignaient dûment numérotées sur des étagères en aggloméré venant à s'incurver au fil du temps. Il achetait aussi à chaque fois des cartes postales, souvenirs systématiques remplissant des albums à l'intitulé factuel et alphabétique qu'il n'ouvrait guère que pour les ordonner.
Que d'Ami 6 dans ces photos d'autrefois ! Leur présence, aujourd'hui aussi incongrue que celle d'un fumeur dans un café, semble n'avoir posé aucun problème au photographe, à se demander même parfois s'il n'aurait pas trouvé une satisfaction particulière à les placer en majesté au milieu de l'image… Mais, au fond, quel est le sujet d'une photographie lorsqu'on l'offre à la lecture sans en rien préciser ? Si l'on sait qu'il s'agit d'une carte postale, on pourra dire, comme il est inscrit au dos, "Beaucaire (Gard) — L'Hôtel de Ville (construit sur les plans de Mansard, le Célèbre architecte du Roi Soleil)" mais, si on ne le sait pas, pourquoi ne pas dire aussi bien "Deux Ami 6 (une berline blanche et un break rouge) sur un parking" ? Polysémie des images. Aujourd'hui le web, et la multiplication non seulement d'elles-mêmes mais aussi de leurs agencements potentiels. Sans doute devrais-je "taguer" ce billet par autre chose que "Cartes postales"…