jeudi 23 décembre 2010

Ped Xing

Madison (WI), août 2007

mercredi 22 décembre 2010

Notes (3)


Bien que sa chemise blanche soit ajustée, elle lui rappela celles que les filles de sa jeunesse aimaient d'autant plus emprunter à leur père qu'elles étaient trop grandes.

mardi 21 décembre 2010

La vie des livres (10)


Ce que l'on sait, nous, c'est que cet exemplaire-là de son livre, l'auteur l'a eu un jour en main, qu'il en a tenu ouvertes les premières pages et qu'il y a écrit quelques mots à destination d'une connaissance ou d'un obligé. Ce qu'il ne sait sans doute pas, lui, c'est que son livre — qui n'aura ainsi jamais connu les rayonnages d'une librairie — a rebondi presque aussitôt pour attendre preneur à quelques francs dans les bacs d'un libraire-éditeur, en bonne compagnie d'autres ouvrages estampillés "service de presse" ou dédicacés de même manière. Et entre lui et nous, le fil invisible de cet inconnu — rendu désormais anonyme de trois coups de ciseaux — qui en aura assuré la circulation comme il l'aurait fait d'un billet de banque.

lundi 20 décembre 2010

Notes (2)


En la voyant dessiner de petits ronds en guise de points sur les "i", il pensa que c'était là un de ces signes par lesquels il reconnaissait presque à coup sûr l'écriture d'une fille sur les copies anonymes qu'il lui arrivait de corriger.

dimanche 19 décembre 2010

Amériques (25)

Orlando (FL), avril 2002

samedi 18 décembre 2010

Paysage urbain

Marseille, octobre 2009

vendredi 17 décembre 2010

Notes (1)


De son enfance, elle avait gardé de petites habitudes comme noter les numéros de téléphone au feutre sur le dos de sa main.

jeudi 16 décembre 2010

mardi 14 décembre 2010

Jardins royaux

Copenhague,
septembre 1986

pour Alain Poisson

lundi 13 décembre 2010

dimanche 12 décembre 2010

City lights (5)

Singapour, décembre 2009

samedi 11 décembre 2010

Trottoirs de Buenos Aires

Buenos Aires, 29 août 2010

Vent et froid ce matin, ce n'est pas tant le printemps qui commence que l'hiver qui s'accroche et rechigne à finir.
Levé tôt, on marche dans des rues où le patchwork des trottoirs a quelque chose d'un pantalon de jardinier. Dents creuses bâchées des parkings offrant un peu partout une échappée vers le ciel entre deux immeubles ayant porté beau et répétition à l'identique des "kioscos" ouverts sur la rue, le centre-ville bégaie. Les terrasses qui sont en place sur les trottoirs de Santa Fe attendent l'après-midi pour se remplir un peu ; avant, on se réfugie à l'intérieur de l'un quelconque de ces bars que l'on trouve à chaque intersection ou presque.
Taxi jusqu'à la Plaza Dorrego et exploration des alentours avant que l'animation du marché aux puces s'installe. Silence de dimanche matin, squares déserts, boutiques fermées. Un peu plus tard, mélange d'improbable dès que l'on s'écarte du périmètre touristique et de répétitif lorsqu'on revient plonger dans son industrie vibrillonnante. Passé midi, la foule qui va et vient sur Defensa jusqu'à la Plaza de Mayo glisse le long d'étals d'artisanat indifférenciables. De ci de là de la musique, parfois des musiciens.
On hésite entre rentrer à pied ou prendre un taxi, ce sera à pied.

vendredi 10 décembre 2010

C'est la vie

Singapour, décembre 2009

jeudi 9 décembre 2010

Cafés (14)

Buenos Aires, 29 août 2010

mercredi 8 décembre 2010

Cafés (13)

Buenos Aires, 29 août 2010

mardi 7 décembre 2010

Cafés (12)

Lyon, 4 décembre 2010

lundi 6 décembre 2010

Alice dans la ville

Dallas (TX), mars 2010

dimanche 5 décembre 2010

Amériques (24)

octobre 1992

De Seattle à Victoria, à peine un saut de puce. Quelques dizaines de minutes de vol dans un coucou d'une vingtaine de places, oiseau de métal spartiate et sans chichis, riveté comme un Soyouz. Et, volant au ras de l'eau, l'impression d'être dans le ventre de la baleine.

samedi 4 décembre 2010

Amériques (23)

Narragansett (RI), juillet 1986

vendredi 3 décembre 2010

Amériques (22)

Baltimore (MD), novembre 1994

jeudi 2 décembre 2010

Rome 2010

Rome, 2010

mardi 30 novembre 2010

Photos que l'on aurait pu prendre (15)

En transit pour Varsovie où le train du lendemain les conduirait, ils étaient arrivés à Berlin dans l'après-midi, sans point de chute ni la moindre idée d'où en trouver un. La ville, en cet automne 81 où les frémissements venus de l'Est se faisaient insistants, offrait une image d'activité et de désordre pressé (la première photo, prise non loin de la gare, montre au loin les banderoles déployées aux façades d'immeubles squattés et, au premier plan, la chaussée jonchée de tracts d'une manifestation qui vient à peine de se disperser). Ils avaient localisé sans peine un de ces cafés "alternatifs" qui pullulaient alors, avec l'espoir qu'une rencontre les aide à trouver une solution pour la nuit. Leur allemand étant par trop approximatif, c'est en anglais qu'ils s'étaient adressés au barman, lequel leur avait proposé sans autre façon de les héberger (la photo, prise à la volée, ne rend qu'imparfaitement justice à sa moustache et son profil de viking, et pas du tout à sa longue queue de cheval). Nikolaus Kalman (nom facile à retenir) leur avait ainsi donné rendez-vous après son service — ce qui voulait dire pas avant une heure du matin — mais dans un autre bar, en fait plutôt un club de musique dont le nom, oublié, contenait sans doute au moins un "x" et un "u". Lorsqu'ils y entrèrent vers minuit, ils eurent l'impression d'être dans un article d'Actuel du genre "C'est à Berlin que ça se passe" (dommage que la photo soit en noir et blanc, on ne peut qu'imaginer les couleurs fluo des crêtes). Au milieu des cuirs de silhouettes improbables, dans une atmosphère saturée de fumée et les oreilles massées par une musique répétitive et assourdissante, ils se sentaient à la fois totalement étrangers et curieusement bien (mais sans ressentir l'envie de faire des photos). Ce n'est qu'après deux heures que NK arriva, les entraînant de suite à l'extérieur pour les conduire à moto chez lui. La traversée de la ville fut plus cinématographique que photographique, un long plan-séquence enchaînant des rues désertes et le ballet hypnotique de feux réglant dans le vide une circulation fantôme. Lorsqu'ils arrivèrent, c'était dans une rue encore animée dont les maisons, toutes à l'identique, déclinaient leur entrée à l'anglaise, avec une volée de marches conduisant à un entresol et, de part et d'autre, une vue plongeante sur les fenêtres de pièces semi-enterrées. NK habitait en hauteur, les premiers étages étant réservés à des occupations beaucoup plus temporaires. Tout en montant, NK leur présenta brièvement les jeunes femmes en faction sur les marches, qu'il embrassa et qu'ils se contentèrent de saluer. Ouvrant la porte de son appartement, il ne prit pas la peine d'entrer, leur expliqua qu'il avait un autre rendez-vous, qu'ils pouvaient s'installer comme bon leur semblait et qu'il suffirait de claquer la porte en partant au matin. Sur la dernière photo, on voit le mot de remerciements qu'ils griffonnèrent à leur départ et laissèrent en évidence sur la pochette d'un Led Zeppelin.

Fiat Lux

Vienne, septembre 2004

lundi 29 novembre 2010

Dorotheergasse

Vienne, septembre 2004

dimanche 28 novembre 2010

Photos que l'on aurait pu prendre (14)

Bucarest, mai 1995

Autant je pourrais expliquer pourquoi j'ai gardé cette photo, autant je ne saurais vraiment dire pourquoi je l'ai prise. Il y a dans la "photographie de rue" un côté "marché aux puces" ou "vide-grenier", au sens où y aller avec une idée précise de ce que l'on espère y trouver non seulement se transforme souvent en déception, mais encore accapare le regard et le ferme en quelque sorte à autre chose de plus inattendu. La différence est quand même qu'une photo de rue ne se marchande pas, quelque chose s'impose et tout va très vite, on verra bien après... Alors, pour une photo prise, combien de "que l'on aurait pu prendre", de découpes virtuelles restées immatérielles, d'instantanés mentaux parfois sitôt oubliés et d'autres fois étonnamment prêts à se rappeler à notre mémoire ? De temps en temps donc, une photo comme réalisation effective d'une potentialité infinie, juste une note prise à la volée d'une réalité qui a bien dû exister puisque la photo en porte la trace, jusque dans ses détails qui avaient pu alors nous échapper...

samedi 27 novembre 2010

n&b (11)

pour Franz


La Fémis
Paris, 26 novembre 2010

Noir de la nuit qui tombe sur la rue Francœur et Renoir pour la salle. Blanc de l'écran avant la projection et re-blanc après... Entre les deux, cinquante-deux minutes au Havre pour un portrait, non de ses habitants — que l'on ne voit pas ou si peu —, mais d'une ville sujet, arpentée aujourd'hui en longs travellings, exhumée de ses archives d'hier, écoutée dans la voix de ceux qui l'ont faite, regardée en gros plan dans le grain et les fausses couleurs de ses cartes postales. La reconstruction en fil directeur, celle bien réelle de la ville tout autant que celle, tremblée comme un film en super 8, des souvenirs qu'on pourrait en avoir, et avec elle ce paradoxe d'une modernité absolue et "idéale" dont aujourd'hui, à peine cinquante ans plus tard, on cherche déjà les traces à la recherche perdue d'avance de la boutique disparue d'un gantier ou d'un chapelier, de l'enseigne de "Bauer" ou du "Bar du caïd". Et puis Le Havre ville aux entresols, comme si l'architecture elle-même marquait une distance avec ce sur quoi tout a été rebâti et qui n'a pas de nom, mélange en vrac de la vie d'avant à laquelle seuls les noms gardés de quelques rues font encore écho. Et aussi, et encore... j'arrête... merci Franz de nous avoir, de si belle manière, écrit du Havre !

vendredi 26 novembre 2010

jeudi 25 novembre 2010

Mariage (2)

Beaujolais, juin 2008

mercredi 24 novembre 2010

Passerelles (35)

 Toulon, années 90

Bangalore, 2002

mardi 23 novembre 2010

lundi 22 novembre 2010

Comme un arbre dans la ville

Paris, 5 novembre 2010

dimanche 21 novembre 2010

Cinéma, Cinémas (19)


Le plan fixe s’ouvrirait en silence sur l’herbe seule, peut-être juste un peu de vent et l’écho très étouffé de bribes de conversations lointaines. On entendrait ensuite un crissement allant croissant, que l’on associerait sans peine à l’approche d’une voiture sur une allée de gravillons, et le nez d’une limousine luxueuse entrerait dans le champ pour s’y arrêter aussitôt. Quelques secondes passeraient avant que le moteur n’en soit coupé et qu’une première portière, puis une deuxième, ne soient ouvertes et refermées tour à tour dans un claquement feutré. Le rire léger que l’on entendrait alors serait celui d’une femme dont on devrait se contenter de deviner la grande beauté et dont les pas pointus doubleraient ceux, plus lourds, d’un homme à ses côtés. Le gravillon crisserait encore, quoique différemment, et tout retournerait lentement au silence et à l’immobilité.

samedi 20 novembre 2010

La maison (5)


Le long de la façade côté jardin, entre précisément la partie d’habitation et l’aile qui abritait l’atelier, courait verticalement une longue fissure. S’il était bien sûr dans la nature des choses que les murs ainsi « travaillent », je ne peux m’empêcher d’y voir un signe, quelque chose comme la matérialisation du temps qui passe et qui marque imperturbablement ses points de ruptures en autant d’avants et d’après irréversibles. D’abord cette ligne de fracture entre la vie « bourgeoise » et celle d’ « artiste », amplifiée lorsque celle-ci n’a plus de raison d’être hors dans le souvenir qu’on en perpétuera — en un étonnant paradoxe — dans celle-là. Et puis toutes les autres que le hasard des liens ou des guerres auront creusées, suivre la tradition pharmacienne familiale à contre-cœur, la lâcher mais ne pas savoir choisir entre musique et peinture, changer de nom à l’ombre de son frère. Lignes de partage pour moi aussi dès l’instant tardif où j’ai commencé à savoir tout cela, mais cicatrice en même temps, d’autant plus mal refermée qu’on ne la laisse pas en paix. Alors cette maison, j’y suis très peu allé, pour de bonnes et de moins bonnes raisons, y repensant parfois de loin, très loin, par images interposées, là une porte sur un jardin par Bonnard ou, ici, l’enfant au piano de Matisse auquel, en prenant cette photo, je tourne le dos. Le MoMA est presque vide en ce matin du printemps 1988, je m’assieds pour dessiner tranquillement la toile. S’il faut un détail, c’est la mèche de l’enfant mais je m’applique à reproduire l’ensemble. Là encore, je ne sais pas si je pense à mon grand-père lorsque je superpose au dessin terminé le profil un peu flou d’un visiteur qui passe. Je referme mon carnet et reste encore assis un moment. Dehors, il pleut sur New York. Je suis bien.

vendredi 19 novembre 2010

jeudi 18 novembre 2010

Delly Fiction

"L'Exilée, c'est Myrtô Elyanni, orpheline riche de sa seule beauté, que recueille en Hongrie sa cousine la comtesse Zolyani. Les détestables filles de celle-ci mènent la vie dure à la fière et belle étrangère. La douceur de Myrtô gagne l'affection de Renat, jeune fils du prince Arpad qui a perdu sa femme et traîne un deuil orgueilleux et glacé. Pendant une dangereuse épidémie, Myrtô sauve l'enfant au péril de sa vie. Triomphera-t-elle de même des drames que la jalousie et l'ambition ont noués autour d'elle ? Verra-t-elle le bonheur lui sourire dans son exil ?" (L'Exilée;)

La maison (4)


En haut de la volée de marches conduisant au demi-étage, un corridor longeait un grand placard et conduisait à une pièce vaste et froide dont je ne pense pas qu’elle ait jamais été chauffée. C’était l’atelier. Les images qui m’en restent sont celles, contradictoires, d’un désordre de tables et de chevalets entassés sans précaution particulière et de la superposition méticuleuse de toiles sans châssis protégées par une couverture que l’on n’avait le droit de soulever que comme on l’aurait fait d’une relique. Il semblait que le temps s’était arrêté ici le jour où mon grand-père, n’y voyant plus, avait cessé de peindre et que rien n’avait plus changé depuis, hors cette couverture qu’on avait jeté sur les toiles pour qu’elles dorment en paix. 
Comme d’autres ont pu en photographier, mon grand-père dessinait et peignait des bonheurs tranquilles, ses filles lisant au jardin, des promenades sous les arbres, des rues ou des places de villes sans histoires. Ses personnages, brossés parfois d’une manière pouvant sembler malhabile, menaient des vies ordinaires qu’il saisissait comme un instantané photographique et les scènes qu’il fixait gardaient parfois la trace d’un détail à la façon dont un élément qui a pu entrer — sans qu’on en soit sur l’instant conscient — dans le champ d’une photo alors qu’on la prend, lui devient ensuite central lorsqu’on le remarque et, parfois, sa raison même. Ainsi du poteau sur cette esplanade, élément-clé pour moi de cette image dont je ne sais si elle était de quelque manière présente à mon esprit lorsque j’ai pris cette photo avec laquelle je ne peux m’empêcher de lui trouver une « parenté ».

mercredi 17 novembre 2010

La maison (3)

Que peut raconter le silence d’une maison qui était autrefois traversée par la musique ?
Si peu de choses ont changé dans le salon depuis si longtemps que les fauteuils au velours élimé semblent encore attendre qu’une séance reprenne, incrédules à cette idée que le piano se serait tu la dernière fois pour de bon et que les violons et le violoncelle, aujourd’hui volatilisés, ne sortiraient plus jamais de leurs étuis qui dorment en vrac dans les placards. Ce salon où personne ne s’est plus installé depuis bien des années semble maintenant se complaire dans sa pénombre, comme figé sous les regards des portraits de famille hiératiques l’observant depuis les cadres de leurs tableaux. Et, de la même façon qu’il suffit d’ouvrir la porte-fenêtre donnant sur le jardin, d’en pousser les volets et d’écarter les branches des arbres qui aujourd’hui s’y appuient pour conjurer l’obscurité, la poussière qui s’éclaire dans la lumière soudain projetée ranime dans sa vibration quelque chose qui pourrait ressembler à une mémoire pas encore éteinte de coups d’archet et d’accords — musique fantôme, écho lointain et diffus de ce que je ne peux qu’imaginer.

mardi 16 novembre 2010

lundi 15 novembre 2010

Cinéma, Cinémas (18)

Saint-Marc-sur-Mer,
16 novembre 2009

Il y a un an, presque jour pour jour, j'étais de passage à Saint Nazaire.
Si l'hôtel de Monsieur Hulot n'a pas tout à fait disparu, c'est un peu tout comme. La petite pension familiale est devenue un Best Western Hôtel de la Plage un peu pincé, où l'on mange désormais (très bien, rien à redire de ce côté-là) dans de grandes assiettes blanches et graphiques, aux larges bords saupoudrés de poivre et d'épices... On était déjà hors saison et la salle design aux baies vitrées était presque vide à l'heure du déjeuner, peut-être deux repas d'affaires et trois couples âgés s'ennuyant en silence. Dehors, pour ceux qui n'auraient pas compris, un panneau grand format indiquait "Plage de Monsieur Hulot", juste sous la sculpture dont, à la réflexion, je ne suis pas sûr qu'elle soit affublée d'une pipe...

dimanche 14 novembre 2010

samedi 13 novembre 2010

Passerelles (34)


Tampa (FL), novembre 1983 et Montréal, juin 2003

On a beau parler d'autre chose, on parle toujours un peu de soi. Par le regard qu'on a posé sur ce que l'on choisit de montrer, par ce qu'on en dit ou n'en dit pas. Et peu à peu se dessine ainsi un auto-portrait éclaté, un puzzle aux éléments épars dont, devenu aussi son propre spectateur, on découvre de temps en temps des pièces qui s'emboîtent bien, des agencements qui s'organisent et des zones plus larges qui se mettent à prendre un sens. Et des fois l'inverse.

vendredi 12 novembre 2010

jeudi 11 novembre 2010

Marina Beach

Chennai, janvier 2002

mercredi 10 novembre 2010

La maison (2)

© A.F., novembre 1957


Au silence s’ajoute l’obscurité.
Les aquarelles sont toujours là, accrochées un peu au hasard sur les murs du couloir d’entrée. Souvenirs de rares confidences — « Lui, c’était un artiste », « Ta tante aimait bien dessiner et peindre, moi je n’ai jamais vraiment su », … Quais, clochers, paysages. Scènes convenues, cadres de fortune.
Je pourrais me retourner pour vérifier que le jeu de cannes est toujours là lui aussi, en vrac à côté de la porte, juste en dessous des grosses clés pendues en paquets, mais je ne ressens pas le besoin de le faire. Il est là, je le sais. Et l’impression étrange que je pourrais plonger « infiniment » dans cette drôle de réalité — semblable en cela à celle de ces derniers rêves, juste avant le réveil, dont on prend le contrôle dans un demi-sommeil — s’estompe à l’instant même où j’en prends conscience, et tout se brouille peu à peu, et je me perds à essayer de fouiller des yeux les recoins qui s’offrent maintenant si mal à eux. Alors je me raccroche en repensant à ces quelques fois où, après être allé chercher de l’eau ou du pain à la cuisine, je m’arrêtais un instant dans ce même couloir avant de revenir dans la salle à manger, silencieux et immobile à côté du lourd rideau de velours qui double la porte, en rotation immatérielle sur mes pieds fixes, dans l’espoir peut-être de m’approprier quelque chose d’un peu magique. L’obscurité m’aidait à retenir ma respiration et mon regard, après avoir un peu flotté sur les murs — comme pour s’aider dans sa progression —, aimait à se glisser jusqu’au pied de l’escalier là-bas tout au bout du couloir, puis à suivre et monter des yeux les marches, aidé par la lumière filtrée de sous la porte du demi-étage. Une autre fois, j’imaginais plutôt que je contournais l’escalier sous lequel, paraît-il, se dissimulait l’entrée d’un passage dérobé débouchant dans un placard du salon, et si ce vague mystère, que je n’ai jamais pu vérifier tant les abords de ce passage supposé étaient de part et d’autre encombrés, n’avait sans doute rien de surnaturel, je me plaisais à voir confusément dans ce désordre banal quelque signe de connivence avec un monde différent, où tout cela m’aurait été naturel. Aussi naturel en fait qu’il en allait sans doute lorsque j’étais ce petit enfant dont quelques photographies trouvées plus tard, bien plus tard, attestent du passage en ces mêmes lieux, passage trop éphémère pour qu’un souvenir conscient ait pu m’en rester.

Amériques (21)

Dallas (TX), 20 mars 2010

mardi 9 novembre 2010

Passerelles (33)

Restaurant du Lac
Grande-Rivière, 16 août 2007
 
pour Zoé

Ce n'est pas l'Arizona, mais cette image qui te plaisait bien dans le "Written in the West" de Wim Wenders que nous avons feuilleté ensemble hier soir m'a (bizarrement peut-être, mais irrésistiblement) renvoyé à cette arrière-salle de restaurant que je n'aurais jamais connue si tu n'avais fait cet été-là un stage aux Cernois tout proches...

lundi 8 novembre 2010

Parking privé (5)

Houston (TX), 14 mars 2010

dimanche 7 novembre 2010

La maison (1)

Autrefois, il n’y avait ni porte ni barrière. On entrait directement dans la cour et, en quelques pas, on touchait au potager attenant à la terrasse. Et puis un jour, même si les planches qui limitaient le passage n’offraient qu’une protection symbolique, une séparatrice est apparue. Et puis un autre jour encore, il n’a plus été question d’entrer, les portes et les fenêtres étaient closes, les volets fermés. Alors c’était devenu le silence, un silence comme amplifié par la vie qui s’en était allée, oublieux des bruits qui montaient de la vallée.
Je me revois peu après ce jour-là, debout face à ces quelques planches regroupées en deux battants dont l’ouverture nécessitait une manœuvre en deux temps — retirer un anneau sommaire de fil de fer puis soulever l’ensemble tout en actionnant la poignée. À gauche sous le portique, une sonnette faite d’un triangle de métal, actionnant un long câble courant le long du mur jusqu’à une cloche au-dessus de la porte d’entrée. À droite, une boîte aux lettres de fortune, quelques planchettes assemblées en un réceptacle approximatif ouvert à toutes les intempéries avec — souvenir de ce qui, quelques années plus tôt, avait marqué ma découverte adolescente de ce lieu auparavant inconnu — un patronyme identique au mien inscrit d’une écriture anguleuse sur cette boîte. D’aussi loin que je pouvais me le rappeler alors, c’était la première fois que mon nom m’apparaissait ainsi, par l’extérieur et de façon presque étrangère, et ce petit rectangle de carton blanc fixé par deux punaises matérialisait pour moi une étrangeté aux autres sans doute toute naturelle : que l’on n’existe pas sans famille et que celle-ci — dût-on découvrir, brouilles supposées apaisées, des tantes insoupçonnées à l’âge de quinze ans — déborde de ses seuls parents.
Ainsi, je suis face à la barrière de cette maison (qui aurait pu être, sinon celle de mon enfance, du moins une « maison de famille » et qui ne l’aura jamais été vraiment, dans laquelle il m’aura toujours semblé être « en visite ») mais c’est comme si j’étais face à sa porte un peu plus loin à gauche, avec sa peinture écaillée et son heurtoir rouillé. Je sens confusément que mes pas ne franchiront sans doute plus jamais la limite fixée par cette barrière et ne fouleront pas davantage les dalles de la cour, mais me glisser en pensée devant cette porte me semble à la fois nécessaire et évident. Je reste sur le chemin mais je me projette de l’autre côté et c’est comme si j’y étais, comme si franchir la distance qui me sépare de cette porte allait de soi, comme s’il m’était possible de tourner la clé dans la serrure et d’entrer, comme si  j’entrais.
J’entre.