samedi 7 novembre 2009

Chambres d'hôtel (11)

Princeton, mars 1996

Ce n'est pas à proprement parler un hôtel, c'est une Guest House, un endroit un peu hors du temps où l'on peut avoir la chance de résider pour quelques jours ou quelques semaines si l'on est invité par l'Université.
La Palmer House est une maison du 19ème siécle qui a le charme des fauteuils profonds, des parquets qui craquent et d'une argenterie qu'on dirait de famille. Le silence y est maître, le service parfait est d'une discrétion qui confine à l'invisibilité et, comme on est entre gens de bonne compagnie, les chambres ne ferment pas à clé. Lorsqu'on arrive le premier soir, la seule formalité est de décliner ses nom, prénom et adresse sur un livre d'hôtes posé sur un buffet près de l'entrée. Juste à côté du livre ce soir-là, il y a un petit chevalet de bois sur lequel est posée une enveloppe.

Une enveloppe au nom de "Jeanne Moreau".

Je ne suis pas particulièrement people, mais Jeanne Moreau c'est quand même quelque chose. C'est Jules et Jim et La Notte, c'est Louis Malle, Losey, Welles et Fassbinder, c'est Duras et les chansons de Rezvani, c'est... Alors Jeanne Moreau à la Palmer House... à moins qu'il ne s'agisse d'une simple homonymie ?
L'enveloppe est encore là le lendemain matin, le soir aussi lorsque je rentre et plusieurs jours encore avant qu'elle ne disparaisse et que sur le livre soit alors bien écrit "Name : Moreau, First Name : Jeanne, Address : 18 square... 75... Paris, France". Montant à l'étage, il m'est facile de remarquer que la chambre à côté de la mienne est désormais occupée, avec plusieurs sacs de shopping posés devant la porte entrouverte.
Elle est là, je l'entends, et il en sera ainsi plusieurs soirs, mais jamais je ne la croiserai et jamais elle ne descendra dans la salle commune du petit-déjeuner où seul un professeur australien a apparemment les mêmes horaires que moi.
Un matin cependant, des pas font grincer l'escalier et se doublent bientôt d'une silhouette emmitouflée passant furtivement devant la porte du salon avant de se diriger sans s'arrêter vers celle de l'entrée. Dehors, une limousine attend qui, sitôt qu'elle y prend place, fait le tour de la maison pour s'éloigner en silence, filant droit par l'allée enneigée jusqu'à devenir un point qui disparaît (j'ai alors l'image d'une scène du même genre dans le Stavisky de Resnais, il faudrait vérifier...).

Le soir venu, la chambre à côté de la mienne est de nouveau inoccupée.

PS : rentré en France, je lirai que Jeanne Moreau et Joyce Carol Oates, professeur à Princeton, travaillent ensemble à un projet de film, mais il ne semble pas que celui-ci ait jamais été réalisé...

vendredi 6 novembre 2009

Passerelles (5)

Bucarest, mai 1995

Canton, décembre 2008

jeudi 5 novembre 2009

Camera Obscura

Los Angeles,
novembre 2008

La "Camera Obscura" de Santa Monica est au 1450 Ocean Avenue. Pour y accéder, il faut entrer dans le Palisades Park Senior Recreation Center, tourner à droite, demander la clé à l'accueil en échange d'une pièce d'identité, revenir sur ses pas et monter quelques marches.
La porte soigneusement refermée derrière soi, on peut alors jouer tranquillement avec le petit gouvernail qui oriente "l'œil" de la machine et permet de balayer circulairement le quai, la plage et, au loin, le pier.

On scrute des images tremblées à la profondeur de champ inhabituelle, on voit les palmiers tout proches s'agiter en silence, on laisse le temps s'étirer et on pense à Aberlardo Morell.

mercredi 4 novembre 2009

Chambres d'hôtel (10)


Vienne, avril 2005

Lorsqu'on est en déplacement pour plusieurs jours de congrès, la chambre d'hôtel devient vite un bureau que l'on investit dès l'arrivée pour trouver où brancher l'ordinateur et essayer la connexion internet lorsqu'il y en a une. A l'Altwienerhof Hotel, pas encore de wifi en 2006, juste un poste fixe dans l'entrée où il faut attendre son tour si l'on veut tenter sa chance à l'heure du petit-déjeuner ou en début de soirée. Mais un coin salon dans la chambre 301, une table basse où quatre jours suffiront à entasser des papiers dont la plupart finiront à la poubelle et, juste en face, une télé que l'on allumera régulièrement pour vérifier que l'on n'a aucune envie de la regarder.

lundi 2 novembre 2009

Chambres d'hôtel (9)


La première fois que je suis allé à New York, c'était en août 81. Je me souviens des signes bleus qu'il fallait suivre pour prendre le JFK Express qui rejoignait le centre-ville, un train taggé à l'intérieur comme à l'extérieur, inlassablement arpenté avec armes et chiens par des flics de série télé fermant les portes à clé entre chaque station. Sans point de chute prévu, le Guide de Routard conseillait le YMCA du côté de la 42ème rue, pour la probabilité faible qu'il offrait qu'aucune de ses 1600 chambres ne soit libre. Chambre était un bien grand mot pour un réduit spartiate et vertical, éclairé par une ouverture grillagée à deux mètres du sol. Douches communes à l'étage, rondes de surveillance dans les couloirs, encore des chiens.

Les fois suivantes, une lecture plus approfondie du Guide du Routard m'a fait trouver l'Hotel Grand Union sur la 32ème rue, à deux pas de l'Empire State Building. Le patron était grec, pas regardant sur le taux d'occupation des chambres et toujours prêt à arranger des réservations de restaurant ou de taxi, toujours avec d'autres grecs.

Quelques années plus tard, l'hôtel a changé de propriétaire. Il a été refait et a peut-être même changé de nom. Je n'y suis plus retourné.

Je n'ai jamais photographié l'Hotel Grand Union...