vendredi 14 décembre 2012

Passerelles (66)



Il y a dans le XVème arrondissement de Paris, au premier étage d'un immeuble bourgeois, accroché au mur du couloir étroit d'un appartement un peu sombre, le portrait esquissé d'une jeune femme cousant sur un canapé Napoléon III, jambes allongées et pieds croisés. C'est un pastel des années vingt — un portrait de famille — mais, tant dans la pose du sujet (l'attitude est intemporelle) que dans sa manière (le trait offre un mélange analogue de contours assurés et d'évanescence inachevée), il a quelque chose qui évoque un de ces portraits que David Hockney a fait de Celia Birtwell dans les années soixante-dix. C'est une scène d'autrefois mais, à la coiffure près, elle pourrait être d'aujourd'hui. Le canapé est maintenant dans notre salon, d'autres s'y assoient, y étendent leurs jambes et croisent leurs pieds. Un fil est tendu à travers les ans dont, de temps en temps, une photographie ou un dessin continue à fixer l'empreinte temporaire, comme on ferait un nœud à son mouchoir.