dimanche 13 novembre 2011

Ce blog n'est pas un journal de voyage mais... (9)

Miss Ushuaia 1934

Il y a bien sûr les guides de voyage, mais on va d'abord à Ushuaia pour le nom et sans autre vraie raison que d'y aller. On est prêts à n'y trouver que ce que Bruce Chatwin en disait assez sèchement dans En Patagonie, parlant de ses "habitants [au] visage violacé [, jetant] des regards peu amènes aux étrangers" et du "seul sourire honnête et joyeux" qu'il y vit, concluant d'un "Je quittai Ushuaia comme on quitte un endroit où l'on n'aimerait pas s'enterrer". Mais les années 70 sont loin et la ville vit maintenant beaucoup du tourisme, ressemblant pour sa partie centrale — c'est-à-dire l'Avenida San Martin — à une station de sports d'hiver. Dans les restaurants aux salles souvent très éclairées, presque ouvertes sur la rue, les pasta & pizzas  le disputent au crab king size local et à la parilla, il y a du wi-fi dans tous les cafés ou presque, et on trouve même des duty free shops. Station comme une autre donc, si ce n'est qu'elle est au bord de la mer et qu'une rue plus bas c'est le port et l'échappée du Canal Beagle vers le Cap Horn.
Au bout de San Martin, il y a toujours ce qui a été jusqu'en 1947 un bagne, aujourd'hui un musée dont une aile est restée à l'identique, glaciale et glaçante. Une autre aile est devenue lieu d'expositions, curieux alignement d'installations disparates dans les anciennes cellules ainsi reconverties. Et, dans la boutique de souvenirs, le mauvais goût d'une autre reconversion, celle de la toile rayée dont étaient faites les tenues des prisonniers en des déclinaisons allant du sweat-shirt au tablier, en passant par les gants de cuisine et les sacs.
Croisant San Martin à angle droit, les rues venant du port grimpent aussi sec, sinon davantage, qu'à San Francisco, et on s'interroge sur la circulation en hiver. On croise quelques commerces, des boîtes de nuit vantant des ambiances tropicales, des maisons multicolores et des jardinets. Très vite, on touche à la montagne. On se retourne et, par-delà le port où stationne aujourd'hui un énorme bateau de croisière qui doit venir d'arriver, on partage avec la mer mouchetée d'écume blanche qui nous sépare du Chili l'expérience d'un même vent violent.

Av. San Martin


Ushuaia, 12 novembre 2011

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