mercredi 6 juillet 2011

Les yeux grands ouverts

Prague, mai 2011

Nous vivons dans un monde de signes et d'images. Partout la trace, partout la démultiplication. Ce qui s'offre à chaque instant à notre regard se superpose à ce que nous avons vu depuis le premier jour. Rien ne s'efface et tout s'ajoute, laissant le temps sédimenter le présent dans le dédale de ses bifurcations continuelles. Parfois nos yeux prennent leurs habitudes ou s'attardent plus longtemps sur quelque chose, creusant plus profond le sillon du souvenir. Pour en fixer la marque, il nous arrive alors de prendre des photographies et c'est en les regardant plus tard que nous prenons conscience de vieillir. Photos, affiches, écrans… au monde que nous croyons voir se superposent un peu partout les images de ce que l'on veut bien nous en montrer. Et lorsque ce n'est pas elles que nous regardons, nous ne pouvons de temps en temps nous empêcher de voir inconsciemment ce qu'il convient d'appeler le réel à travers le filtre qui les a produites. Prolifération toujours accélérée, notre génération aura sans doute été plus exposée à elle seule que la totalité des générations qui l'ont précédée à un déluge d'images qui se reproduisent plus vite encore qu'elles ne se produisent, mais c'est en gardant les yeux grands ouverts que nous restons vivants.

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