dimanche 23 janvier 2011

"Gens du 26" (Photos que l'on aurait pu prendre (16))

Lyon,
janvier 2011

L'appartement était au premier étage du 26 de la rue V. mais, pour tout le monde, c'était "le 26". Avant, après, voire pendant les cours, on y venait pour étirer le temps en faisant parfois semblant de vouloir refaire le monde. Faute encore de téléphones portables, on trouvait un mini-carnet et un crayon pendus à la sonnette de la porte d'entrée pour laisser un message lorsqu'il n'y avait personne (l'allée sur la rue était toujours ouverte, pas de digicode non plus).  Chacun avait — à des degrés divers — ses habitudes "au 26", passant juste ou s'y incrustant. 
C'était avec une sœur et une cousine que S. vivait là ses premières années d'étudiante mais, qu'on se l'avoue ou non, c'était surtout pour elle que l'on venait : S. dans son rocking-chair de récupération, jambe repliée serrée contre elle, S. aux pulls trop grands sur des chemises de grand-père, S. appliquée à rouler des cigarettes ultra-fines en plissant les yeux, S. au regard de myope n'aimant pas les lunettes... S. n'était pas libre mais on faisait avec et, entre amitié et confidences, on savait qu'il s'agissait d'autre chose.
On était bien d'être ensemble, autour de S., et on ne ressentait pas plus que cela le besoin d'en fixer le souvenir. C'était un temps sans photos et je n'ai pas une seule image des "gens du 26", du moins "au temps du 26". Je continue de voir quelques-uns d'entre eux et il m'est arrivé parfois de croiser plus ou moins par hasard la route de certains autres, mais S. a un jour changé d'amours et j'ai depuis perdu sa trace.

3 commentaires:

  1. J'aime l'idée du " temps sans photos" qui m'évoque les timbres sur les enveloppes et les terrasses de café où on passe au cas où on pourrait retrouver du monde ...

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  2. Merci pour ce souvenir que nous sommes sans doute si nombreux à avoir expérimenté. J'aime que tu sois passé "par-dessus" les voitures pour cette photographie du 26, en restant sur l'autre versant...

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  3. Avec un peu de retard, merci à Sylvie M et à Sylvie M (!) pour ces deux notes de passage, dont j'apprécie que la référence au passage en soit un dénominateur commun...

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