mercredi 25 novembre 2009

Paysages intermédiaires (9)

Maine, été 2002

"Il y a cette magie des noms de lieu qui agit comme l'éther sur la cervelle des gosses (j'en étais) vautrés sur des atlas les longs dimanches de pluie. On lit : Tucuman, Surabaya, Flores — on se dit "un jour j'irai là-bas" — on dessine avec l'ongle du pouce le cours du Yukan sur le beurre de sa tartine. Souvent cette toponymie prestigieuse est mensongère et vous conduit dans un de ces "culs du monde" qui n'offrent que tôle ondulée, chiens efflanqués, putes édentées et modiques arnaques à la mesure du lieu. Il suffit alors d'avaler plusieurs fois sa salive, sa déception… et de poursuivre, parce que souvent aussi, à moins d'une heure de cariole ou à bon pas une bourgade qui a négligé de mettre son nom sur la carte — ou alors un nom que l'œil saute — vous attendait, vous, précisément vous : Belle au bois dormant, et c'est le paradis, fardé de fine poussière et de fraîcheur. Et c'est une mosquée vert pistache plus légère que son ombre, des gamins tondus stridents qui fouettent leur toupie, des perdrix dans des cages d'osier frais coupé, une petite place et le tremblement éperdu des peupliers blancs d'Asie, et personne, bien sûr, ne vous a dit "tout est là".
En route, le mieux c'est de se perdre. Lorsqu'on s'égare, les projets font place aux surprises et c'est alors, mais alors seulement que le voyage commence." (Atlas, Nicolas Bouvier)

3 commentaires:

  1. Très beau texte!
    La magie des noms de lieu...
    Je ne connaissais pas Nicolas Bouvier, merci Patrick!

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  2. Woodstock - Paris.
    Moi qui ne connaît rien de tout ça... Woodstock je vois à-peu-près où ça se trouve. Mais Paris, de quel Paris s'agit-il ? Du Paris de France, de Paris - Texas ? Je n'en connais pas d'autres...

    En tout état de cause l'un est à l'Ouest et l'autre à l'Est. Mais malgré ça j'aimerais bien savoir pour évaluer l'importance de ce "paysage intermédiaire"... il s'agirait alors peut-être d'un paysage de la pensée, un paysage rêvé dans un continuum topographique/géographique...

    Et Nicolas Bouvier n'aide pas beaucoup, qui invite à se perdre pour se (re)trouver. Il a probablement raison, en tout cas je le pense... au bout du chemin, peu importe, on se retrouve malgré tout.

    Un numéro (9) qui reste énigmatique mais qui n'empêche pas, au contraire, de se diriger vers le paysage suivant, le (10) !

    Tu ne m'en voudras pas de recommander à tous ceux qui "traînent" un peu et qui sont photographes (les autres aussi seront "enchantés" !) l'achat et la lecture de "L'œil du voyageur" de Nicolas Bouvier, texte et photos. Certaines sont inoubliables, magiques et vous feraient faire votre sac dans l'instant...

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  3. @ Alain

    Il s'agit d'un Woodstock et d'un Paris qui sont tous les deux dans l'état du Maine, deux "culs du monde" au nom trompeur... Si le lien Google Maps fonctionne, voici comment aller de l'un à l'autre :

    http://maps.google.com/maps?f=d&source=s_d&saddr=paris+maine&daddr=woodstock+maine&hl=en&geocode=FdBZowld-T7M-ykBXCRNgzayTDF1tsYHHX2c1A%3BFZmBpQld1rzK-ymfHoO2bdKzTDHOeZiAXtD7BQ&mra=ls&sll=44.401049,-70.599466&sspn=0.25363,0.617294&g=woodstock+maine&ie=UTF8&ll=44.324831,-70.560379&spn=0.253959,0.617294&z=11

    Et pour "L'œil du voyageur", je ne peux que t'approuver et te suivre !

    PS pour Irène : lire aussi bien sûr "L'usage du monde". Incontournable...

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