dimanche 14 avril 2013

Vérification de la porte opposée (7)

De mes cinémas d'enfance, les souvenirs se mélangent. Les images qu'ils m'évoquent sont faites de bribes et de fragments dont l'appariement souvent m'échappe, les détails précis et les perceptions floues qui s'y attachent se mettent en place dans une mémoire qui n'est peut-être que rêvée.
Si je crois me souvenir que la salle du Familial Condé, enchâssée dans un immeuble bourgeois, était plus large que longue, la vision qui m'en revient sans réfléchir est celle, avant que la séance ne commence et que l'obscurité ne se fasse vraiment, d'un écran couvert de publicités pour les commerçants et artisans du quartier, un patchwork de "réclames" agencées en vignettes accolées. Je les revois comme manuscrites et calligraphiées — guère plus à chaque fois qu'un nom et une adresse, parfois un téléphone —, avec l'impression vague aussi qu'elles auraient pu être tracées à la peinture phosphorescente… mais peut-être pas ? Et tracées sur quoi ? Sur un deuxième écran dont, en s'enroulant sur lui-même, la lente remontée aurait remplacé l'ouverture d'un rideau rouge ? Ou bien s'agissait-il de la simple projection d'une diapositive ?
Ce dont je suis certain, c'est que nous arrivions toujours en avance pour être sûrs de pouvoir occuper le premier rang du balcon mais, oublié la cadre, de quoi s'agissait-il ? D'un de ces endroits où la programmation alignait en vrac un tout-venant de cinéma familial et paroissial, là où l'on pouvait voir, plusieurs semaines après leur sortie dans de plus grandes salles du centre-ville, Fernandel dans  "Don Camillo en Russie" et de Funès dans "Les Grandes Vacances"  ou "Le Grand Restaurant". On prenait et regardait ce qui était programmé, on ne venait pas vraiment pour un film particulier dont, de toutes façons, on ne parlait guère ensuite, on était là pour une sortie, comme d'autres jours on allait au zoo. Mais il y avait quand même un film, et ce qu'on y trouvait était une échappée sur un ailleurs, une fenêtre qui s'ouvrait et faisait circuler un peu d'air. Ensemble mais seuls dès que la projection commençait, on s'évadait dans des secrets d'autant plus délicieux qu'en apparence tout était également offert à chacun, mais qu'en réalité on avait le sentiment d'y goûter égoïstement. Et presque cinquante ans après, on se dit que si, ces années-là, il n'y avait pas eu de Familial Condé et si l'on n'y était pas passé par la case de ces films oubliables, on aurait peut-être raté plus tard ses rendez-vous les meilleurs avec le cinéma…

Voir aussi ici.

2 commentaires:

  1. J'ai aussi eu mon "Familial Condé" à 200 m de notre appartement à Saint-Gaudens, il s'appelait "Les Variétés".
    J'y ai vu seul, à 7 ans, mon premier film, c'était "le miracle des loups" Aujourd'hui c'est devenu un théâtre. Il a gardé le même nom. Sur les trois cinémas que comptait Saint-Gaudens (10000 habitants ou presque…) il n'en reste qu'un. J'y reviendrais plus tard pour d'autres raisons.

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  2. brigitte david26 juin 2013 à 00:00

    Moi c'était à Binic (1200 ou 1400 habitants), mais la mer , la grande , la belle!...et à part une histoire de chats qui faisaient des bêtises, mes tous premiers films c'était Crin-Blanc , suivi de Bim... Donc, pas de bon cinéma sans des torrents de larmes!

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