lundi 17 mai 2010

Chambres d'hôtel (36)

Mexico, décembre 1994

Alors de temps en temps, c'est la solitude qui s'invite. Pas celle que l'on chérit lorsqu'on la recherche, et sans laquelle le hasard lui-même peine à inventer le voyage. Plutôt celle qui surgit par défaut, occupant l'espace comme le temps et dessinant en creux l'absence.
Dieu sait que l'on a pu en rêver avant d'aller enfin au Mexique et que l'on a pu être heureux de s'y perdre à deux !... Et puis voilà qu'on y retourne seul et que l'hôtel où l'on échoue n'offre que déception. Marbre et moquette épaisse mais au milieu de nulle part. Loin du centre et loin de l'Université. Lisière de banlieue, bordure de périphérique excentré, vue imprenable sur des fast-food américanisés. Comme on approche de Noël monte de l'atrium une musique d'ascenseur distillant en boucle des cantiques claydermanisés et, pour s'être longuement aventuré dans ses couloirs le premier soir, on sait que l'hôtel est désert.
De ne pouvoir revivre ses souvenirs, on subit la solitude de la chambre, négligeant peut-être de vivre ce qui pourrait nourrir des souvenirs à venir.

6 commentaires:

  1. J'aime beaucoup la dernière phrase...

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  2. La photo illustre bien le texte, ou le contraire?
    Elle est parlante, peut-être trop par rapport au texte...
    Ton texte me laisse la liberté d'imaginer; la photo impose...

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  3. et c'est l'intérêt de ce texte où on se surprend à tenter de rêver alors que l'intérieur, l'extérieur de la chambre ne nous y invitent pas..

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  4. Richesse des "points de vues" ;) : je suis toujours impressionnée par la qualité des textes et des photographies de notre hôte, mais plus encore comme ces qualités sont semblables, une même musique sur deux instruments. Dans l'écrit, il y a cette clarté rare des phrases, une simplicité élégante, assez proche à la lecture d'un mezzo voce, de la confidence ou de l'expérience retenue; dans les photographies des cadrages simples en apparence, tout aussi élégants, sans démonstration ni ostentation et pourtant fortement structurés, aux lignes parfaites. Peut-être parce que j'entends le photographe dans cette photo, - ce que je préfère à tout, c'est vrai : [croire] entendre le photographe - la photo et le texte me semblent en équilibre parfait. Je ne rêve donc pas, ni ne m'échappe, j'écoute la réflexion écrite de cet homme seul qui regarde par la fenêtre d'un hôtel un paysage sans âmes.

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  5. L'équilibre photo/texte est souvent instable, et il n'est pas facile d'imaginer à quel point ce qui sera perçu ressemblera à ce qu'on y a projeté... Alors merci pour ces retours, réfléchis, de perceptions.

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