dimanche 28 mars 2010

Pause-parenthèse

Canton, avril 1986

En trente ans, combien de photos ? Des milliers, bien sûr.
Et s'il fallait n'en retenir qu'une ?...

Pour discutable qu'il soit sans doute, cet exercice extrême me porte, avec finalement assez peu d'hésitation, vers cette image. Si j'y suis déjà souvent revenu (c'est une des très rares photos dont j'ai jamais encadré, il y a longtemps, un tirage), c'était en vrac pour son "exotisme", son côté "instant décisif" ou le "flou mais pas trop" de son mouvement presque figé. Et puis le temps passe mais la photo reste, et ce que j'y lis maintenant, c'est toujours cela mais aussi autre chose.
Voulue ou fortuite, partagée ou volée, une photo c'est souvent une rencontre et là, je vois quelqu'un dont je n'ai aucun moyen de savoir qui il peut bien être et ce qu'il est devenu — ni même s'il est encore, — qui passe en l'ignorant devant un mur parlant d'un avenir assuré que l'Histoire se sera ensuite empressée de démentir. Alors, je retiens cette photo parce qu'elle joue du mélange de l'anonymat (quoi de plus indifférenciable pour nous qu'un Chinois flou en chemisette blanche ?) et de la singularité (car il est lui et pas un autre, tout comme moi qui le photographie) et qu'entre individuel et collectif, entre mémoire et temps filé, je comprends aussi — aujourd'hui sans commune mesure avec alors — qu'elle me parle en miroir de précarité et de vanité.

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