jeudi 18 novembre 2010

La maison (4)


En haut de la volée de marches conduisant au demi-étage, un corridor longeait un grand placard et conduisait à une pièce vaste et froide dont je ne pense pas qu’elle ait jamais été chauffée. C’était l’atelier. Les images qui m’en restent sont celles, contradictoires, d’un désordre de tables et de chevalets entassés sans précaution particulière et de la superposition méticuleuse de toiles sans châssis protégées par une couverture que l’on n’avait le droit de soulever que comme on l’aurait fait d’une relique. Il semblait que le temps s’était arrêté ici le jour où mon grand-père, n’y voyant plus, avait cessé de peindre et que rien n’avait plus changé depuis, hors cette couverture qu’on avait jeté sur les toiles pour qu’elles dorment en paix. 
Comme d’autres ont pu en photographier, mon grand-père dessinait et peignait des bonheurs tranquilles, ses filles lisant au jardin, des promenades sous les arbres, des rues ou des places de villes sans histoires. Ses personnages, brossés parfois d’une manière pouvant sembler malhabile, menaient des vies ordinaires qu’il saisissait comme un instantané photographique et les scènes qu’il fixait gardaient parfois la trace d’un détail à la façon dont un élément qui a pu entrer — sans qu’on en soit sur l’instant conscient — dans le champ d’une photo alors qu’on la prend, lui devient ensuite central lorsqu’on le remarque et, parfois, sa raison même. Ainsi du poteau sur cette esplanade, élément-clé pour moi de cette image dont je ne sais si elle était de quelque manière présente à mon esprit lorsque j’ai pris cette photo avec laquelle je ne peux m’empêcher de lui trouver une « parenté ».

1 commentaire:

  1. J'ai presque l'impression de sentir l'huile de lin dans cet atelier oublié...

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