Le Floridan est posé au milieu d'une zone peu hospitalière. Tout était désert lorsque j'y suis arrivé hier soir alors qu'il faisait déjà nuit, déposé par un taxi à qui j'avais demandé de me conduire à un hôtel bon marché du "centre-ville". Ma chambre est au 9ème étage et, si j'étais Olivier Rolin, je dirais — comme dans sa Suite à l'hôtel Crystal — qu'elle mesure approximativement 3 x 3 m, que la porte ouvre presque directement sur le lit situé à gauche de l'entrée, et qu'il faut se glisser entre celui-ci et la fenêtre à baïonnette pour atteindre une salle de bains aveugle et spartiate. Je dirais bien d'autres choses encore sur les détails de la chambre, de l'interrupteur en faïence à la moquette usée en passant par le couvre-lit côtelé mais en fait, si j'étais Olivier Rolin, je dirais plutôt que je suis au Floridan parce que c'est là qu'un certain Boris m'a fixé rendez-vous pour me donner enfin des nouvelles de Tatiana R., l'informatrice que je cherche vainement à retrouver depuis qu'elle a quitté l'organisation sans laisser d'adresse il y a bientôt un an. En attendant le coup de fil devant m'annoncer la présence de ce Boris que je ne connais pas dans le lobby de l'hôtel (mais pas avant midi s'il faut en croire la note griffonnée que m'aurait laissé le barman du Bluebird à Fort Worth), je tuerais le temps en fumant clope sur clope, laissant mon regard flotter et vagabonder entre la fenêtre ouvrant sur le ciel gris de novembre et la télé pourrie qui crachote en noir et blanc.
samedi 19 septembre 2009
Chambres d'hôtel (1)
Le Floridan est posé au milieu d'une zone peu hospitalière. Tout était désert lorsque j'y suis arrivé hier soir alors qu'il faisait déjà nuit, déposé par un taxi à qui j'avais demandé de me conduire à un hôtel bon marché du "centre-ville". Ma chambre est au 9ème étage et, si j'étais Olivier Rolin, je dirais — comme dans sa Suite à l'hôtel Crystal — qu'elle mesure approximativement 3 x 3 m, que la porte ouvre presque directement sur le lit situé à gauche de l'entrée, et qu'il faut se glisser entre celui-ci et la fenêtre à baïonnette pour atteindre une salle de bains aveugle et spartiate. Je dirais bien d'autres choses encore sur les détails de la chambre, de l'interrupteur en faïence à la moquette usée en passant par le couvre-lit côtelé mais en fait, si j'étais Olivier Rolin, je dirais plutôt que je suis au Floridan parce que c'est là qu'un certain Boris m'a fixé rendez-vous pour me donner enfin des nouvelles de Tatiana R., l'informatrice que je cherche vainement à retrouver depuis qu'elle a quitté l'organisation sans laisser d'adresse il y a bientôt un an. En attendant le coup de fil devant m'annoncer la présence de ce Boris que je ne connais pas dans le lobby de l'hôtel (mais pas avant midi s'il faut en croire la note griffonnée que m'aurait laissé le barman du Bluebird à Fort Worth), je tuerais le temps en fumant clope sur clope, laissant mon regard flotter et vagabonder entre la fenêtre ouvrant sur le ciel gris de novembre et la télé pourrie qui crachote en noir et blanc.
jeudi 17 septembre 2009
mercredi 16 septembre 2009
mardi 15 septembre 2009
Cent titres
Un clin d'œil au sempiternel débat ("titre ou pas titre") qui agite périodiquement le Landerneau du blog Vos photos de Libération...
dimanche 13 septembre 2009
Paysages intermédiaires (4)
Entre Mexico et Guanajuato, printemps 1996
Bien sûr des événements toujours nouveaux remplacent toujours d’autres événements mais, plus encore qu’eux-mêmes, qui peuvent être minuscules, c’est la façon dont ils s’enchaînent qui se met à prendre une épaisseur que l’on ne soupçonnait pas. L’idée, irréaliste, asymptotique, du pur instant peut alors exister, non comme un instantané factice qui gommerait l’avant et l’après, mais bien davantage comme un lieu de passage toujours renouvelé, un point de convergence chaque fois singulier pour une histoire, futile ou importante, dont on ne sait pas si elle a jamais commencé et si elle finira jamais.
On voyage et on comprend petit à petit que la vie qui compte se réfugie dans les interstices qui, lorsque le voyage n’est pas son propre but, font leur place entre les choses à faire et les plages de temps programmées. On traverse, en s’y attardant souvent plus que nécessaire, des lieux de transit qui ne sont à personne, cafés, restaurants, aéroports, avions, rues, écoles aussi, qui sont autant de passages. On côtoie furtivement des milliers de trajectoires qui nous resteront toujours étrangères, on en frôle quelques-unes qui, sans que l’on sache vraiment pourquoi, s’animent d’une singularité qui nous retient et nous touche, et la vie qui nous émeut le plus vibre souvent sous le geste le plus anodin, sous le détail le plus infime.
Fragments de liberté, mais aussi bouffées de solitude, on voyage et l’absence voyage avec nous, avec son cortège de souvenirs et la si douce mélancolie des bonheurs qui se sont enfuis."
"On voyage et on porte sur ce qui nous entoure un regard différent, que l’on n’a d’habitude chez soi qu’en se forçant un peu. Parfois ce regard plus aigu, on l’a quand même sans partir, et c’est un luxe que l’on s’offre et que l’on déguste en se reprochant confusément de le garder si rare. Mais que l’on change d’espace et c’est tout naturellement, presque malgré soi, une mise en perspective nouvelle qui se présente, un changement de repère autorisant la surprise partout, sans a priori ni retenue. On change d’espace, ou de point de vue sur un espace familier, et rien n’est plus directement acquis qui, parce que trop vu, trop connu, trop senti, s’échapperait des champs d’intérêt possibles. On change d’espace, et c’est aussi le temps qu’en fait on modifie, gommant la fausse évidence que l’on croyait connaître de la succession des instants et de la densité des heures.
Bien sûr des événements toujours nouveaux remplacent toujours d’autres événements mais, plus encore qu’eux-mêmes, qui peuvent être minuscules, c’est la façon dont ils s’enchaînent qui se met à prendre une épaisseur que l’on ne soupçonnait pas. L’idée, irréaliste, asymptotique, du pur instant peut alors exister, non comme un instantané factice qui gommerait l’avant et l’après, mais bien davantage comme un lieu de passage toujours renouvelé, un point de convergence chaque fois singulier pour une histoire, futile ou importante, dont on ne sait pas si elle a jamais commencé et si elle finira jamais.
On voyage et on comprend petit à petit que la vie qui compte se réfugie dans les interstices qui, lorsque le voyage n’est pas son propre but, font leur place entre les choses à faire et les plages de temps programmées. On traverse, en s’y attardant souvent plus que nécessaire, des lieux de transit qui ne sont à personne, cafés, restaurants, aéroports, avions, rues, écoles aussi, qui sont autant de passages. On côtoie furtivement des milliers de trajectoires qui nous resteront toujours étrangères, on en frôle quelques-unes qui, sans que l’on sache vraiment pourquoi, s’animent d’une singularité qui nous retient et nous touche, et la vie qui nous émeut le plus vibre souvent sous le geste le plus anodin, sous le détail le plus infime.
Fragments de liberté, mais aussi bouffées de solitude, on voyage et l’absence voyage avec nous, avec son cortège de souvenirs et la si douce mélancolie des bonheurs qui se sont enfuis."
[Préface à Détails, texte non publié de 1994]
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