A l'occasion d'une conférence devant des étudiants de l'Université Lyon 2 à Bron, Bernard Plossu avait raconté un jour comment, en venant en voiture accompagné par son hôte, il avait "vu" sur le trajet une photo qu'il n'aura jamais prise car il n'avait pas son appareil avec lui (ou n'avait pas de pellicule chargée, je ne sais plus).
Dans "Les 36 photos que je croyais avoir prises à Séville", Dominique Noguez commence chaque (court) chapitre par l'image d'un cadre noir et vide. C'est celui d'une photo qui n'a jamais été prise non plus (film mal enclenché) et qu'il nous raconte, le roman se construisant comme la lecture planche après planche d'une pellicule imaginaire.
Sans que son livre s'y réduise, Pierre Péju avait déjà été utilisé le même ressort dans un chapitre de "Vitesses pour traverser les jours" et, d'une certaine manière, Régine Detambel construit aussi son "Album" comme une description de photos qu'il nous appartient d'imaginer.
Ces photos que l'on aurait pu prendre, on en a tous fait l'expérience un jour et on en garde certaines plus que d'autres dans un coin de la mémoire. Je me souviens ainsi d'une situation dont je ne sais pas si j'aurais aimé ou osé en faire une photo, mais dont la vision en avait tous les attributs. C'était à New York en 1981. Quelque part dans une rue animée du côté de Time Square, une très vieille dame très fardée et habillée de façon excentrique (l'image même de l'ancienne artiste ayant eu son heure de succès et vivant, jusque dans ses fourrures, ses étoles et ses frou-frous, dans un temps arrêté) se remaquillait avec application dans la vitrine d'une banque, redessinant sa bouche d'un rouge éclatant en profitant de la lumière indirecte si particulière que donnent à ces rues encaissées les réflexions du soleil sur les vitres innombrables des gratte-ciels voisins. Rouge à lèvres chargé, fond de teint très rose et fard à paupières sans doute bleu ou vert, mais un beau noir et blanc aurait très bien fait l'affaire.
(en guise de substitution, on se contentera de cette photo prise à Madison (WI) en août 2007.)
Dans "Les 36 photos que je croyais avoir prises à Séville", Dominique Noguez commence chaque (court) chapitre par l'image d'un cadre noir et vide. C'est celui d'une photo qui n'a jamais été prise non plus (film mal enclenché) et qu'il nous raconte, le roman se construisant comme la lecture planche après planche d'une pellicule imaginaire.
Sans que son livre s'y réduise, Pierre Péju avait déjà été utilisé le même ressort dans un chapitre de "Vitesses pour traverser les jours" et, d'une certaine manière, Régine Detambel construit aussi son "Album" comme une description de photos qu'il nous appartient d'imaginer.
Ces photos que l'on aurait pu prendre, on en a tous fait l'expérience un jour et on en garde certaines plus que d'autres dans un coin de la mémoire. Je me souviens ainsi d'une situation dont je ne sais pas si j'aurais aimé ou osé en faire une photo, mais dont la vision en avait tous les attributs. C'était à New York en 1981. Quelque part dans une rue animée du côté de Time Square, une très vieille dame très fardée et habillée de façon excentrique (l'image même de l'ancienne artiste ayant eu son heure de succès et vivant, jusque dans ses fourrures, ses étoles et ses frou-frous, dans un temps arrêté) se remaquillait avec application dans la vitrine d'une banque, redessinant sa bouche d'un rouge éclatant en profitant de la lumière indirecte si particulière que donnent à ces rues encaissées les réflexions du soleil sur les vitres innombrables des gratte-ciels voisins. Rouge à lèvres chargé, fond de teint très rose et fard à paupières sans doute bleu ou vert, mais un beau noir et blanc aurait très bien fait l'affaire.
(en guise de substitution, on se contentera de cette photo prise à Madison (WI) en août 2007.)
Heureux moment que d'aborder une nouvelle année en découvrant ce blog!
RépondreSupprimerOui les photos qu'on aurait pu prendre et celles qu'on croit avoir prises et qui restent figées dans nos mémoires.Les secondes ont un cadre qu'on a délimité, envisagé; c'est à partir de celles ci que D.Noguez a construit son roman. les premières gardereront à jamais des bords flous.