Californie, janvier 2013
On a beau le savoir et se dire qu'on ne se fera plus avoir, c'est la route qui gagne plus souvent qu'à son tour. Sans autre but que toucher à la frontière le lendemain, on a roulé toute la journée au hasard, glissant de petites villes aux banlieues proprettes à des lieux-dits qui ne sont guère que des noms sur la carte. Un croisement, un General Store, une pompe à essence et, de temps en temps, un motel dont, jaugeant d'un coup d'œil les places de parkings presque uniformément désertes devant l'alignement en "I", en "L" ou en "U" des chambres, on se dit à chaque fois que l'on s'arrêterait bien là, mais il est toujours trop tôt. Alors on avance et, bientôt, c'est le soir qui tombe. Comme par un fait exprès, c'est le paysage qui change lui aussi et abandonne ce qui lui restait de mélange aléatoire et furtif entre nature et traces de vies. De droite qu'elle a longtemps été, la route commence à serpenter en grimpant le long de points de vue dont on ne doute pas qu'ils seraient "scenic" — comme le promet la carte —, ne seraient l'obscurité et la pluie qui se double ponctuellement de poches de brouillard. On s'amuse à penser que les rares pick-ups que l'on croise arborent peut-être, ironiques, un autocollant proclamant fièrement "Sunny California" mais, en même temps, on commence à douter de trouver quelque chose pour la nuit sans, au choix, aller beaucoup plus loin qu'imaginé ou faire demi-tour. D'une intersection sans âme qui vive, on choisit la troisième voie qui nous ramène à une agglomération sans charme. L'hôtel sera "de chaîne", fonctionnel et cher, loin des tentations de l'après-midi. Aurait-on tourné à gauche plutôt qu'à droite, on aurait pourtant trouvé le motel devant lequel on passera le lendemain en faisant le chemin à l'envers, reprenant de jour la route abandonnée au creux de la nuit et remontant l'espace faute de pouvoir rembobiner le temps. Comme la vie qui va.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire