vendredi 1 novembre 2013

Les pélicans de Malibu


Californie, janvier 2013

Ils sont quelques dizaines à tournoyer inlassablement et, si le ciel en gardait la trace, les trajectoires qu'ils décrivent le couvriraient de larges cercles attachés à la mer par une verticale abrupte, la démultiplication d'une armée, au choix, de lettres phi géantes, de signatures minimalistes ou de graffiti comme on en dessine machinalement lorsqu'on s'ennuie en réunion. Mais, accoudés à la rambarde de la jetée, c'est rarement que l'on parvient à en observer le déroulé complet. On choisit au hasard un point que l'on va suivre du regard pendant de longues minutes et c'est le choc d'un autre sur l'océan que l'on entend, nous faisant, lorsqu'on se détourne pour repérer celui-ci à la tache d'écume qu'il crée quelques instants, quitter des yeux celui-là qui en profite le plus souvent pour se laisser tomber à son tour comme pierre. Onde dans le ciel et particule dans l'eau, il y a comme un principe d'incertitude chez les pélicans de Malibu. On pourrait rester des heures à en observer le manège, se poster comme certains avec trépied et mode rafale pour en saisir l'hypothétique instant décisif, mais Malibu c'est aussi, par l'unique route qui s'en échappe vers le nord, au droit de l'Océan, la porte d'entrée des collines pour un retour haut perché vers Los Angeles. Lacets, raidillons, bifurcations incertaines, on atteint assez vite Mulholland Drive que l'on suit jusqu'au cul-de-sac de son segment privatisé obligeant à faire demi-tour et à chercher un contournement. Le territoire ne ressemble pas vraiment à la carte, effet du relief et de l'enchevêtrement des chemins et impasses se faufilant entre les hauts murs des propriétés sécurisées. On roule au hasard et on se perd, croyant parfois se raccrocher à une intersection qui n'est pas la bonne, et on échoue sur une route de crête comme on sortirait la tête de l'eau. D'un côté l'Océan, de l'autre la vallée de San Fernando, et personne à l'horizon, contraste étrange et presque angoissant avec le fourmillement que l'on sait d'en-bas et que l'on retrouvera dans moins d'une heure. Bientôt la nuit qui tombe, bientôt les phares sur les autoroutes et les néons qui s'allument, Westwood en ligne de mire et fin de nos cercles dans les hauteurs.

1 commentaire:

  1. Malibu, Muhlholland Drive surtout, et puis Los Angeles, Westwood (UCLA) dont Wiki me dit que ce quartier est bordé par Bel Air au nord ;-) déplacent ton récit de manière brutale (pour moi). Ce que tu écris, j'ai l'impression que cela aurait été possible ailleurs, en France au hasard, mais qu'il fallait ce "déplacement" pour que la conscience se réveille, en y ajoutant les connotations que chacun pourra y trouver selon son propre parcours.
    Et puis il y a les photographies qui viennent banaliser le texte, rendre les endroits plutôt communs, habituels.
    Le déroulé du billet - c'est comme cela qu'il se présente et qu'il doit donc être lu - nous propose donc deux photographies peu géo-localisables en introduction d'un récit d'une précision redoutable - on est presque au volant (à ce propos es-tu seul ou accompagné durant cette virée ? oui oui, question indiscrète !) - et l'on pourrait refaire ce trajet de Malibu à Westwood.
    Après cela je me dis qu'il n'est pas nécessaire d'aller y voir sur place puisqu'on (toi) nous le raconte si bien... on risquerait d'être déçu une fois sur place.

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