pour Sylvie "Cabias" M.
Lyon, 13 octobre 2013
Il y a, dans les bibliothèques en désordre, quelque chose d'une marée qui fait s'échouer sur le rivage de leurs rayonnages des livres au voisinage fortuit (a-t-on jamais vu un ressac déposer avec méthode et classer ce qu'il charrie ?). Il existe bien sûr des bibliothèques bien rangées, le plus souvent par ordre alphabétique ou thématique (parfois même par ordre exclusif de taille, comme celle de Samuel Pepys à Cambridge !), mais c'est en général affaire de professionnels ou de bibliomanes. À la maison, on ne va pas tout ré-organiser à chaque fois qu'un nouveau livre arrive, on va au plus simple et la place qu'il trouve est avant tout question de possibilité, tantôt jouant des épaules pour se glisser entre deux volumes prenant un peu trop leurs aises, tantôt s'allongeant — à tutoyer l'étagère supérieure — sur une fratrie de petits formats, ou encore se garant en double file dans l'attente d'un meilleur emplacement qui ne viendra peut-être pas avant longtemps. Et gare à ne pas trop troubler cet ordre qui n'en est pas un, mais dont la mémoire, même si elle est diffuse et parfois tâtonnante, nous fait retrouver un volume avec une assurance dont on arrive soi-même à s'étonner ! Et balayer du regard les tranches ainsi offertes nous fait suivre une trajectoire en zig-zag dont les livres sont des points d'ancrage, une promenade aléatoire faite de ricochets temporels entre les "où" et les "quand" de l'arrivée de chacun ou presque. Si dans les livres, on explore des chemins qui nous sont étrangers, c'est aussi dans notre vie que l'on voyage dans nos bibliothèques.
Exercice souvent frustrant que de prendre cet endroit qui nous est intime. Ici, on rentre doucement, sans esbroufe mais avec sentiment, histoire de boire une soupe avec Kafka et de discuter théorème avec Travolta.
RépondreSupprimerMerci Patrick, j'aime ces " ricochets temporels", parfois délicieux, parfois mélancoliques ...
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