vendredi 29 mars 2013

Notes (15)





Au début de Journal de France, le film de Claudine Nougaret et Raymond Depardon, on voit ce dernier patienter jusqu'à ce que le champ soit libre de tout passage, de toute voiture, de tout piéton, avant de pouvoir déclencher. Il s'agit d'une scène urbaine pourtant mais d'une scène souhaitée vide, en partie pour l'excuse technique du temps de pose nécessaire —long d'une longue seconde — et du flou garanti qui en résulterait.
Une autre possibilité serait, en diminuant la sensibilité, d'augmenter bien davantage la durée de l'exposition, laissant au temps qui passe le soin de séparer ce qui ne bouge pas de ce qui est éphémère, l'un se renforçant par l'insistance têtue de son immuabilité et l'autre se dissolvant dans le brassage de ses trajectoires changeantes, retrouvant ainsi quelque chose de la photographie des origines. Paris désert (ou presque) de Daguerre, rendu tel par la technique quand bien même les boulevards grouillaient de monde. Paris désert d'Atget aussi mais, plutôt que par nécessité, peut-être déjà davantage par un choix qui fera son chemin jusqu'à aujourd'hui.
On pourrait dire que photographier l'immobile est une façon de distendre le temps, de rendre à l'image montrée la possibilité que son élaboration même s'inscrive dans une temporalité indéfinie. Une scène photographiée aura toujours cela de différent de la peinture ou du dessin qui pourrait en être fait que c'est, spatialement, dans la simultanéité qu'elle se met en place. Là où le geste du peintre est une trajectoire d'espace-temps, la pellicule s'impressionne dans sa globalité.
Que la photographie ait commencé sous le signe de très longues expositions, la rendant en cela moins irréductible à des productions d'images plus conventionnelles, a peut-être favorisé son acceptabilité.

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