Strobl (Autriche), 2005
On arrive en milieu de journée et le soleil donne un supplément d'étrangeté aux lieux que l'on traverse. On était seul ou presque dans le bus venant de la grande ville et, le terminus atteint, on est encore seul dans cette cafétéria où le serveur que l'on peine à trouver disparaît sitôt son service fait. On traverse une petite ville proprette, briquée telle un sou neuf mais austère et déserte, comme endormie dans l'attente d'un coup de baguette magique qui la réveillerait. De la gare à l'Institut, le trajet est long qui longe un lac en empruntant des chemins protégés par des grilles mystérieusement ouvertes, qui nous fait dépasser des berlines cossues et vides arrêtées au milieu de nulle part, qui passe sous des futaies à l'ombre desquelles crisse le gravillon des allées et qui, comme le temps de ce trajet qui n'en finit pas, dilate et déforme son image dans des miroirs semblant nous observer sourdement. Il n'y a pas un souffle d'air. Tout, autour de soi, n'est qu'immobilité ou attente, des pelouses à la tonte parfaite jusqu'aux couloirs vides que l'on trouve en arrivant enfin au bâtiment servant de résidence et à la chambre qui nous attend, clé sur la porte, sans que l'on ait croisé personne. En un sens, tout est parfait mais il flotte un parfum d'intranquillité et on se dit que, s'il n'y a pas d'autre échappatoire aux sessions qui ont déjà dû commencer et aux obligations sociales qui se profilent, la semaine sera longue.
La série de photographies nous prépare. Soleil et ombres denses, pas d'humain(s). Le silence nous pèse déjà avant d'avoir commencé à te lire.
RépondreSupprimerÀ la lecture du titre je t'enviais - bien que ma très courte "expérience" de l'Autriche ne m'ait pas laissé un souvenir impérissable - et puis à celle des photographies, un peu moins. Ton texte m'achève, je refais mon sac et détalle rapidement.
D'un autre côté, "l'ambiance" semble idéale pour le recueillement et le travail... mais bon, le hululement de la chouette pour seule compagnie doit rendre les nuits inquiétantes. T'es-tu renseigné, n'y a-t-il pas eu un crime commis un jour en ces lieux ? Brrr !
Schrödinger était autrichien, et on ne sait toujours pas vraiment pour son chat ;-)
SupprimerOui, et ta série c'est aussi "La Nuits des Morts-Vivants"... jusqu'à l'ouverture des grilles en (3) ? Incertitude...
SupprimerIl n'y a aucune échappatoire dans les films de David Lynch….
RépondreSupprimerTes photos n'ont rien d'inquiétant pour moi. Elle m'évoquent la torpeur d'après-midi à la campagne . On entend presque bruire l'herbe.
RépondreSupprimerMais ton texte... Chaque mot est miné, chaque mot est une bombe à retardement (il y a du Thomas Bernhard dans cette rage dévastratrice). On n'est pas dans une élégie bucolique à la gloire de l'Autriche! Et à la fin du texte on est carrément dans Shining. Plus sérieusement, toutes ces sensations ne les ressent-on pas presque toujours dans ces déplacements professionnels quels qu'ils soient? Et même parfois au-delà.
On pourrait donc, abstraction faite un temps des photographies, partir de Thomas Bernhard pour arriver à Stephen King ? Mouais, pourquoi pas.
RépondreSupprimerCependant si l'on considère les photographies et le texte comme participant d'un même et seul propos, je trouve que la piste de Franz est une bonne idée. Les images collent parfaitement - grille entr'ouverte, voitures garées suspectes, téléphone mural qui pendouille - dont le texte serait une sorte de voix off superposée. Mais je connais mal Bernhard et n'aime pas Stephen KIng...
Je ne connais pas assez Bernhard et n'ai jamais rencontré Stephen King. David Lynch... Je passe souvent à côté. Mais je reverrai! C'est du bon Flandrin en tous cas!
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