Boston (Massachusetts), été 1987
Comme chaque jour depuis presque deux semaines, j'essaie de laisser remonter à la surface de ma mémoire ce qui spontanément s'attache à l'année mise sur la sellette. Mais aujourd'hui, pour 1987 et même 1988, pas grand-chose d'un tant soit peu "universel", plutôt des I remember personnels à la Joe Brainard que des Je me souviens de mémoire collective à la Georges Perec. Quelques vagues impressions de conflits qui n'en finissent pas, Iran-Irak, Liban, des frémissements insistants à l'Est entre glasnost et perestroïka, Wall Street qui dégringole, des escarmouches politiciennes ("Dans les yeux je le conteste")… il serait dans doute facile d'aller vérifier tout cela mais je n'en ai pas trop envie. Pour 1987, je revois plutôt un été américain, campus entre bois et océan sur la côte Est, de temps en temps un passage à Boston, la foule qui va et vient un gobelet à la main, T-shirts et costumes mélangés, les executive women allant au travail d'un pas décidé, en tailleur chic mais en chaussettes et grosses baskets, leurs escarpins dans leur sac à main, les cafés-librairies ouverts tard, les brunchs du week-end, la Ford Mustang que l'on nous a prêtée consommant plus d'huile que d'essence, les malls et les food-courts, les restos sans alcool où l'on apporte sa bouteille achetée dans le liquor store juste en face, soigneusement enveloppée de papier kraft, le soir qui tombe sur Cape Cod où, on a beau dire, les phares et les stations-service ressemblent étrangement à des toiles d'Hopper. L'année suivante, c'est l'image d'un bout de printemps new-yorkais qui s'invite, un Matisse au MoMa un jour de pluie, un passage à NYU en rêvant de rester un an au Courant Institute sur Washington Square, les galeries de SoHo juste à côté, entre minimalisme et hyperréalisme — gratte-ciels en reflets de Richard Estes et petites culottes de John Kacere —, les vendeuses qui sortent pour fumer et qui, mini-jupe et talons hauts, arpentent le macadam avec des airs de Julia Roberts dans Pretty Woman, le ferry pour Staten Island et le téléphérique pour Roosevelt Island en pensant à Depardon, Wall Street toujours vivant et le downtown à l'ombre des tours jumelles. Et puis enfin, jumelles pour jumelles, c'est l'arrivée à la fin de l'été 1988 de L. et M. qui, pour leurs 18 ans, hériteront des Libé de chacun (ou presque) des jours anniversaires successifs de leur naissance ! Déjà des souvenirs en (re)construction…
Un détail du paysage... Une petite toile au Moma Christina's World, d'Andrew Wyeth...Mort en janvier 2009...
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