samedi 5 juin 2010

Chambres d'hôtel (38)

Cambridge, février 1999

La chambre est vaste et stratégiquement bien placée, juste à l'angle nord-ouest du "quadrangle" de Trinity College. De la vue plongeante que j'ai sur les allées soignées et les pelouses protégées par de petits écriteaux réservant aux seuls Fellows le droit de les fouler, j'aperçois un étudiant à crête colorée croisant deux filles en uniforme, comme en une illustration facile des contrastes et restes d'excentricité de ce pays où l'on voit des médecins à boucles d'oreille et où les caissières de supermarché vous remercient d'un "Thanks, love!" sincère.
Les universitaires ont parfois quelque chose de mercenaires (pour s'en tenir à la comparaison la moins désobligeante), mais de mercenaires au petit pied qui monnayent le plus souvent leurs services — de jurys, de rapports, d'expertises ou de commissions — d'un repas ou d'une nuit d'hôtel. Alors, lorsqu'on s'endort entre les ombres de Newton et Byron, c'est tout naturellement qu'au matin on en profite de manière presque enfantine comme on ouvrirait ses cadeaux de Noël et que, plus tard, on en retrouve les images qu'on n'aurait pas pu ne pas prendre. (D'autres fois, non, et c'est dommage. Ainsi, je regrette un peu de ne pas avoir gardé trace de ce Formule 1 lugubre, quelque part dans une banlieue éloignée de Montpellier, où m'avait conduit une intervention tout sauf nécessaire dans une session de formation permanente...)

1 commentaire:

  1. La lumière, magnifique, nous invite à plonger dans ce sofa qui semble confortable et doux, et dont on peut scruter chaque détail de la toile. C'est un beau spectacle.
    PS : Oh pas seulement les universitaires, on pourrait aussi dire certains journalistes-conférenciers-penseurs-historiens, toutes casquette réunies qui vous pondent des articles fumeux et satisfaits ;)

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